Économie

Les nudges appliqués à l’économie verte

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Le nudge vert, ou coup de pouce est un outil d’incitation douce à des comportements économiques non forcément rationnels, mais visant à corriger l’écart entre les discours et les pratiques. Il constitue un instrument supplémentaire afin d’accélérer la transition écologique.

Le nudge (« coup de pouce ») peut être vert 

À l’origine de la notion de nudge

Le nudge, ou coup de pouce en français, est un concept issu de l’économie comportementale, discipline au croisement entre économie et psychologie, qui nous enseigne que les facteurs sociaux, situationnels ou personnels influencent fortement nos préférences et nos comportements. Ce concept a été exposé pour la première fois par Richard Thaler et Cass Sunstein : « Un nudge est un aspect de l’architecture des choix qui modifie de manière prévisible le comportement des individus sans interdire aucune des options et sans changer significativement leurs incitations économiques. Pour être un nudge pur, l’intervention doit être facile et peu coûteuse. » (Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision - 2008).

La commission générale de terminologie et de néologie recommande depuis 2013 l’usage du terme « émulation écologique » à la place de nudge vert afin de décrire une « incitation, par effet d’entraînement au sein d’un groupe, à adopter un comportement plus respectueux de l’environnement ». Cette définition semble cependant trop restrictive à certains. En effet, elle ne souligne pas la motivation individuelle des personnes physiques ou la motivation rationnelle des personnes morales. De fait, le nudge est un outil d’analyse économique relativement récent, et toujours en débat parmi les spécialistes.

L’utilisation des nudges dans les politiques publiques intéresse et inspire différentes institutions publiques françaises, notamment le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (aujourd’hui, direction interministérielle de la transformation publique - DITP) qui a vu dans les nudges un nouvel outil contribuant à l’amélioration du service de l’action publique.

Une alternative aux incitations traditionnelles : quelques exemples de nudges verts

Le NudgeChallengeCOP21

En partenariat, le ministère de la transition écologique, l’association NudgeFrance et le SGMAP, - aujourd’hui DITP - ont lancé en 2015 le concours NudgeChallengeCOP21 à destination des étudiants du monde entier dans le but d’imaginer les nudges verts de demain.

Le grand prix du jury proposait de réduire le gaspillage alimentaire dans les restaurants universitaires grâce à un jeu collectif, avec récompense à la clé : le gaspillage évité collectivement lors d’une semaine conditionnait le dessert proposé la semaine suivante. Depuis, les nudges primés à ce concours ont été testés par l’association, grâce à une subvention du Commissariat général du développement durable (CGDD). Les résultats concluent majoritairement à une efficacité des nudges mis en place pour aider à développer des comportements durables. Les résultats de ces recherches font l’objet d’une soumission d’un article dans une conférence scientifique.

L’impression recto-verso par défaut

Dans le cadre du plan administration exemplaire piloté par le ministère de la transition écologique, avec la circulaire du 3 décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics, l’activation par défaut de l’option d’impression recto-verso, au sein du ministère, a permis de réaliser d’importantes économie de papier.

Le contrôle de la consommation énergétique

Le ministère de la transition écologique, après une phase d’expérimentation, a décidé de généraliser le déploiement des compteurs intelligents Linky. La mise à disposition des ménages des données de consommation en temps réel leur permettra de mieux contrôler la consommation énergétique dans leurs foyers.

Le nudge a ses limites…

L’apport de l’économie comportementale

On observe fréquemment un décalage entre les convictions environnementales et la réalité des comportements. L’économie comportementale remet en question les postulats de base de la pensée économique en questionnant les limites du « marché s’auto-régulant pas le jeu de la concurrence pure et parfaite » et en remettant en cause les comportements toujours rationnels de « l’homo economicus libre » et de la libre concurrence régulant les marchés et les prix. Il s’agit ici d’appréhender – notamment en matière d’économie « verte » - des comportements apparemment « irrationnels » car économiquement peu efficients et présentant un décalage entre la rationalité affichée des consommateurs, et la réalité de leurs actes et comportements d’achats.

L’économiste américain Richard Thaler a reçu le prix Nobel d’économie en 2017 pour ses travaux dont l’Académie suédoise reconnaît qu’ils « ont jeté un pont entre les analyses économiques et psychologiques dans la prise de décision individuelle ». Il a par exemple démontré l’influence de certaines caractéristiques humaines sur les orientations du marché, comme les préférences sociales, la peur, l’excès de confiance, le souci de gratification ou de reconnaissance sociale ou encore l’importance donnée à posséder quelque chose (« l’aversion de la dépossession »).

Le nudge vert, ou coup de pouce est un outil « d’incitation douce » à des comportements économiques non forcément rationnels, mais visant à corriger l’écart entre les discours et les pratiques (exemple : « consommer moins d’énergie, mieux trier ses déchets »). La mise en place d’un nudge implique une analyse comportementale et une mesure d’incitation à agir. L’économie comportementale permet ainsi d’aborder l’action publique à partir du comportement réel des citoyens et constitue à ce titre un instrument supplémentaire afin d’accélérer la transition écologique.

Le nudge en débat : une approche plus ou moins performante

Lors de nombreuses expériences menées par les chercheurs, les nudges verts ont donné des résultats très concluants pour multiplier les comportements vertueux. Toutefois, il existe certaines réserves quant à l’efficacité de cette nouvelle approche. Le rapport sur l’incitation aux comportements écologiques (La fabrique écologique - Janvier 2016) relève ainsi plusieurs limites concernant les nudges :

  • le manque d’efficacité de ces mesures dont les résultats dépendent du contexte socio-culturel, de l’orientation politique ;
  • Le caractère éphémère de certains nudges qui ne changent pas toujours les habitudes ;
  • la présence d’effets pervers, par exemple l’effet rebond (un comportement plus vertueux adopté grâce à un nudge peut entraîner une moindre vigilance par ailleurs).
  • les questions éthiques dont la possibilité d’être manipulé. Crainte souvent exagérée, mais qui traduit aussi la méfiance vis-à-vis de mesures incitatives « non traditionnelles » ;
  • une efficacité à la marge puisqu’elle peut apparaître comme ne pénétrant pas le champ de conscience des individus et ne permettant pas de changements radicaux, de remise en cause de comportements et de systèmes. Le terme « coup de pouce » est d’ailleurs explicite sur ce point. C’est toute la question de la « conviction » voire de la « croyance » qui est ici posée.

Néanmoins, la connaissance de ces limites permet de mieux les maîtriser et de tenter de les dépasser. Et si le débat est sain, nul doute que l’intérêt pour le nudge, outil souvent simple et peu onéreux pour les politiques publiques, doit continuer à se développer.

Ressources

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