Risques

Retrait-gonflement des sols argileux : plus de 4 millions de maisons potentiellement très exposées

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Le retrait-gonflement des argiles survient en présence de terrains argileux renfermant des argiles dites « gonflantes » et en situation d’alternance de sécheresse de forte intensité et de période humide. L’aléa retrait-gonflement d’argiles fort ou moyen concerne un cinquième des sols métropolitains et 4 millions de maisons individuelles. Leur répartition et leur vulnérabilité potentielle révèlent des disparités territoriales. Les dégâts occasionnés par ce type de mouvement de terrain sont indemnisables au titre des catastrophes naturelles.

Qu’est-ce que le retrait-gonflement des argiles ?

Certains minéraux argileux présents dans les sols peuvent varier de volume en fonction de la teneur en eau des terrains. Ils se « rétractent » lors des périodes de sécheresse (phénomène de « retrait ») et gonflent lorsqu’ils sont à nouveau hydratés (phénomène de « gonflement »). Si ce processus génère des dégâts sur la structure des bâtiments (fissuration des murs et du sol), il ne constitue pas de risque majeur pour la population.

Ces mouvements lents, peuvent néanmoins atteindre une amplitude assez importante pour endommager les bâtiments localisés sur ces terrains. La variation de leur teneur en eau peut survenir suite à une situation météorologique inhabituelle (sécheresse ou fortes pluies), à une fluctuation du niveau des nappes d’eau souterraines, ou encore à des modifications hydrologiques dues à l’intervention humaine. Des arbres situés à proximité de bâtiments peuvent aggraver le retrait des argiles par le prélèvement d’eau de leur système racinaire.

Second poste d’indemnisation au titre des catastrophes naturelles

À l’origine d’une déformation progressive du sol ou du sous-sol, le retrait-gonflement des argiles peut provoquer des désordres dans les bâtiments (notamment fissuration des éléments porteurs). Il affecte principalement les maisons individuelles, aux structures légères particulièrement vulnérables en raison de leurs fondations généralement superficielles et de leurs structures dimensionnées sans la prise en compte de cet aléa.

Parmi les périls couverts par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, la sécheresse constitue le second poste d’indemnisation (36 %) après les inondations (55 %). Depuis 1989, date d’intégration des mouvements de terrain dus aux retrait-gonflement des argiles dans le régime catastrophe naturelle, le coût des dommages consécutifs à ce phénomène atteint 13,8 milliards d’euros (Md € 2019) (CCR, 2020). Cela représente une sinistralité moyenne de 445 M€/an et un coût moyen par sinistre estimé en 2015 à 22 000 €. Sur la première période (de 1989 à 2014), la sinistralité représentait un peu plus de 9 Md€ de 2014, soit une sinistralité annuelle moyenne de 370 M€ et un coût d’indemnisation moyen par sinistre sécheresse de 12 700 €.

Les dégâts constatés les plus forts correspondent à ceux de l’année 2003, année marquée par une sécheresse exceptionnelle. Elle a entrainé des fissures sur plus de 100 000 bâtiments en métropole. Plus de 4 400 communes ont alors été reconnues en état de catastrophe naturelle sécheresse géotechnique, pour une indemnisation totale de 1,2 milliards d’euros (en euros de l’époque) par les assurances.

Évolution de la sinistralité liée à la sécheresse et à la réhydratation des sols
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Note : les montants indiqués sont en millions d’euros de 2019. Selon le rapport "Les catastrophes naturelles en France 1982-2019" de la CCR "à partir de 2015 le coût global de la sécheresse n’est pas encore consolidé, ce qui explique la marge d’erreur sur le coût moyen. Pour rappel, les avis de reconnaissances 2019 au titre de la sécheresse commencent à être rendus par la Commission interministérielle." Les données pour les années 2015 à 2019 ci-dessus correspondent aux moyennes des intervalles établis par la CCR : [100 ; 150] en 2015, [500 ; 650] en 2016, [700 ; 850] en 2017, [1100 ; 1300] en 2018, [600 ; 870] en 2019.

Source : Caisse centrale de réassurance, 2020

Où se situent les zones les plus sensibles en métropole ?

L’aléa retrait-gonflement d’argiles fort concerne 2 % de la France métropolitaine (soit 10 600 km2), l’aléa moyen 15 % (soit 83 800 km2), l’aléa faible 44 % (soit 241 300 km2). A contrario, les zones a priori non argileuses couvrent 39 % de la France métropolitaine (soit 212 800 km2).

Trois régions représentent ensemble plus de la moitié des surfaces métropolitaines exposées à l’aléa fort ou moyen : Nouvelle-Aquitaine (19,3 %), Occitanie (18,4 %), Centre-Val de Loire (15,2 %). A contrario, la Bretagne et la Corse en représentent chacune moins de 0,5 %.

La région Centre-Val de Loire totalise à elle seule 15 000 km2 en aléa fort ou moyen. Le département du Loiret, le plus touché, compte ainsi 52 % de sa surface en aléa fort (9 %) ou moyen (43 %). Les marnes et calcaires et marnes et sables de l’orléanais (argiles et sables interstratifiés d’une épaisseur de de 5 à 10 m), montrent en effet une prédominance d’argiles gonflantes (smectites). En région Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont les argiles, marnes et calcaires de l’Oligocène en Limagne et dans le Val d’Allier qui sont particulièrement riches en argiles gonflantes et exposent ces territoires à un aléa fort.

Surfaces des zones argileuses sensibles au retrait-gonflement des argiles par niveau d’aléa et par région

Source : BRGM, 2013

Traitement : SOeS, 2013

Définition de l’aléa retrait-gonflement des argiles
Il s’agit de la probabilité qu’un retrait-gonflement des argiles (phénomène naturel d’intensité donnée) survienne sur un secteur géographique donné et dans une période de temps donnée. Sa cartographie définit en tout point du territoire, la probabilité qu’une maison individuelle soit affectée par un sinistre (BRGM).

Méthodologie

À la demande du ministère en charge du Développement durable, le BRGM a entrepris de cartographier l’aléa retrait-gonflement d’argiles pour la France métropolitaine depuis 1997. Cette cartographie définit en tout point du territoire, la probabilité qu’une maison individuelle soit affectée par un sinistre.

Pour ce faire, une susceptibilité vis-à-vis du phénomène de retrait-gonflement des argiles est attribuée aux formations argileuses identifiées à partir des cartes géologiques. La carte d’aléa retrait-gonflement des argiles résulte de la combinaison de ce résultat avec les données de sinistralité.

Les cartes d’aléas retrait-gonflement des argiles ainsi établies au niveau communal et départemental alimentent les plans de prévention des risques retrait-gonflement des argiles (cartes de zonage réglementaire). Elles permettent également d’informer les professionnels du bâtiment et les particuliers quant aux préconisations lors d’une construction dans un secteur sensible au retrait-gonflement.

L’aléa fort délimite les zones pour lesquelles la probabilité de survenance d’un sinistre et l’intensité des phénomènes attendus sont les plus élevées. En revanche, l’aléa faible désigne les zones pour lesquelles la possible survenance de sinistres (conditionnée par une sécheresse importante) devrait concerner les bâtiments présentant des défauts de construction ou un contexte local défavorable (proximité d’arbres, hétérogénéité du sous-sol). Les zones d’aléa moyen correspondent à des situations intermédiaires entre ces deux extrêmes. Enfin, les zones d’aléa nul désignent les secteurs pour lesquels les cartes géologiques actuelles n’identifient aucun terrain argileux en surface. Des sinistres peuvent toutefois s’y produire en cas de placage local d’argiles (lentilles intercalaires, colluvions en pied de pente, poches d’altération).

Une vulnérabilité contrastée des territoires métropolitains

L’analyse statistique des aléas, des enjeux et de la sinistralité consécutive à une sécheresse exceptionnelle permet de déterminer six catégories de communes.

Les grands pôles urbains en région parisienne et dans les Hauts-de France ont une très forte vulnérabilité. La très forte densité de maisons individuelles (soit 18 fois la moyenne métropolitaine), un nombre d’arrêtés Cat-Nat et une part du territoire en aléa fort ou moyen également importants, rendent ces communes (moins de 1 %) extrêmement vulnérables.

Les pôles urbains fortement vulnérables (soit 4 % des communes), se situent surtout dans le Sud-Ouest entre La Rochelle et Toulouse et dans le Centre-Ouest entre Orléans et Poitiers. Ils se caractérisent par un nombre d’arrêtés Cat-Nat très élevé (dix fois la moyenne métropolitaine), une densité de maisons individuelles et une part du territoire en aléa fort ou moyen élevées (double de la moyenne métropolitaine).

La vulnérabilité de certaines communes de la couronne des grands pôles (soit 6 % de l’ensemble) semble modérée en raison d’une très faible densité de maisons individuelles. Les parts de territoire en aléa fort ou moyen y sont parmi les plus élevées et un nombre d’arrêtés de Cat-Nat cinq fois plus élevé que la moyenne métropolitaine.

Les pôles urbains faiblement vulnérables rassemblent 4 % des communes. Si la densité de maisons y atteint six fois la moyenne métropolitaine, la part du territoire en aléa fort ou moyen y est en revanche plus faible et le nombre d’arrêtés de Cat-Nat dans la moyenne.

Les communes des couronnes péri-urbaines situées essentiellement en Normandie, dans le piémont pyrénéen, dans les côtes de Meuse et de Champagne et de part et d’autre de la Saône (soit 18 % des communes) affichent une très faible vulnérabilité. Leur très faible densité de maisons individuelles l’explique, malgré une part du territoire en aléa fort ou moyen trois fois plus élevée que la moyenne métropolitaine.

Les territoires ruraux qui regroupent deux tiers des communes, sont considérées peu vulnérables au retrait-gonflement d’argiles. La densité, le nombre d’arrêtés et la part du territoire en aléa fort ou moyen y sont en effet significativement bien plus faibles que la moyenne métropolitaine.

Le cas particulier des Antilles

Dans les Antilles, le climat chaud et humide favorise l’altération des roches et la formation des argiles à l’origine de sols vertiques (VERTISOLS) riches en argile gonflante (smectite) et particulièrement sensibles au retrait-gonflement des argiles. En effet, en Guadeloupe, les sols argileux le long de la côte ouest de la Basse-Terre développés sur substrat calcaire riches en argiles gonflantes (smectite) couvrent 10 % de Basse-Terre. De même en Martinique, les sols argileux développés dans les andésites (roches magmatiques) anciennes au sud de l’île couvrent un cinquième de l’île.

Ressources

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